Perturbations du sommeil en milieu hospitalier
Le plus souvent, les patients hospitalisés dorment peu ou mal. Leur sommeil est fréquemment perturbé, principalement en période post-opératoire et à l’unité de soins intensifs. Ces perturbations dépendent de facteurs physiologiques et environnementaux dont plusieurs peuvent être atténués. Bien que le sommeil soit essentiel à la santé et à la récupération, il est souvent négligé dans l’élaboration des plans de soins infirmiers.
Le sommeil se définit comme une baisse de l’état de conscience entre deux périodes d’éveil. Il est caractérisé par une perte de vigilance, une diminution du tonus musculaire et une conservation partielle des sens. Contrairement à d’autres formes de perte de conscience telles que le coma ou l’anesthésie, le sommeil est un état neurologique récurrent et facilement réversible.
Sommeil essentiel à la santé
Le sommeil, principalement le sommeil profond influence considérablement l’état de santé général. Certaines fonctions physiologiques, notamment la mémoire, la régulation de l’humeur, la sécrétion hormonale, le métabolisme du glucose et la réponse immunitaire, y sont étroitement associées.
La mémoire : Le sommeil contribue au transfert de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme. Le déclin cognitif observé dans la maladie d’Alzheimer serait étroitement lié aux perturbations du sommeil.
La plasticité neuronale : Le sommeil contribue au développement du cerveau d’un enfant ainsi qu’à l’apprentissage de nouvelles tâches et ce, tout au long de la vie, que ce soit faire du vélo ou changer la collerette d’une stomie.
L’humeur : Le manque de sommeil affecte l’humeur. Il augmente la réactivité aux stimuli négatifs, par exemple la douleur, et inversement, il diminue la réactivité aux stimuli positifs, par exemple les encouragements offerts par un proche. La privation de sommeil peut exacerber des troubles de l’humeur préexistants tels que la colère, l’anxiété et l’irritabilité. Une seule mauvaise nuit de sommeil suffit à entraîner ces changements.
Le métabolisme : L’activité du système nerveux sympathique diminue pendant le sommeil nocturne, entraînant une baisse des taux de cortisol, d’épinéphrine et de norépinéphrine. Par ailleurs, les médiateurs responsables de la croissance, de la différenciation et de la restauration cellulaire, dont l’hormone de croissance et la prolactine, augmentent grandement pendant le sommeil. Le sommeil contribue au métabolisme du glucose.
L’immunité : Le sommeil agit sur la défense immunitaire et sur la mémoire immunologique à long terme. Ainsi, la production de certaines composantes du système immunitaire augmente pendant le sommeil. Le manque de sommeil augmente la vulnérabilité aux infections en plus de diminuer l’immunité acquise par un vaccin.
Conséquences des pertubations sur les clientèles
Plusieurs études démontrent que le sommeil est loin d’être optimal en milieu hospitalier. Jusqu’à deux tiers des patients hospitalisés ont des signes d’insomnie qui se manifestent par des difficultés à s’endormir et des éveils fréquents ou précoces. En moyenne, ces perturbations soustraient du temps que ces patients dormiraient s’ils étaient chez eux. Elles suscitent en plus un sentiment désagréable de ne pas avoir récupéré pendant la nuit. La qualité du sommeil d’une personne âgée hospitalisée est encore plus affectée, ces perturbations retranchant du temps qu’elle dormirait à la maison.
Des études polysomnographiques ont montré que les patients venant de subir une chirurgie peuvent expérimenter une réduction allant jusqu’à 80 % de leur temps de sommeil pendant les premiers jours postopératoires. Elles révèlent également une perte importante ou complète des cycles de sommeil profond.
Un sommeil trop court ou de mauvaise qualité peut nuire au rétablissement d’un patient.
Certaines clientèles ont plus de risques que d’autres. C’est le cas des personnes âgées qui sont plus fragiles à développer un délirium à la suite d’un sommeil perturbé lors de leur hospitalisation.
De plus, leur manque de sommeil diminue leur capacité d’autosoins et augmente leurs risques de chutes, de déficience fonctionnelle et de décès prématurés.
Effets de la perte de sommeil pour la personne âgée
Conséquences sur la santé:
↑ Pression artérielle, ↑ Glycémie capillaire. Délirium
Mécanismes de compensation :
Fatigue, Somnolence excessive en journée
•Effets sur la personne âgée hospitalisée : Diminution de la capacité et de l’envie de participer au processus de rétablissement (ex :physiothérapie) et au plan de traitement (ex : compréhension et connaissance des médicaments prescrits)
Perturbations du sommeil associées à l’environnement hospitalier
Facteurs hospitaliers :
Bruits et lumières (54%)
Besoin d’uriner (22%)
Procédures de soins / transferts (22%)
Lit / oreillers inconfortables (14%)
Facteurs personnelles :
Douleur (20%)
Anxiété et inquiétude (15%)
Dyspnée (10%)
QUESTIONS AUX PATIENTS HOSPITALISÉS POUR ÉVALUER LEUR SOMMEIL :
À LA MAISON :
1. Combien d’heures dormez-vous par nuit habituellement?
2. À quelle heure allez-vous dormir?
3. Où dormez-vous (lit, fauteuil, etc.)?
4. Décrivez votre chambre (télévision, confort du matelas, bruit, température, etc.)?
5. Quelle est votre routine du coucher (douche, lecture, musique, etc.)?
6. Prenez-vous des médicaments avant d’aller dormir?
DEPUIS VOTRE ARRIVÉE À L’HÔPITAL :
1. Avez-vous des inquiétudes ou des pensées désagréables qui vous empêchent de dormir?
2. Est-ce que la douleur ou votre respiration vous empêchent de vous endormir ou vous réveillent durant la nuit?
3. Vos difficultés à vous endormir ou à rester endormi ont-elles été progressives ou soudaines?
4. Quand surviennent-elles?
5. Combien de fois vous réveillez-vous pendant votre sommeil? Et pour quelles raisons? Par exemple le bruit, la lumière, le lit ou les oreillers, le besoin d’uriner, les soins cliniques …
Plusieurs facteurs liés à la condition du patient ou à l’environnement de soins peuvent nuire à la quantité de sommeil et à sa qualité. Lorsqu’un patient rapporte des difficultés, l’infirmière doit le questionner non seulement sur les circonstances affectant son sommeil à l’hôpital, mais également sur ses habitudes de sommeil lorsqu’il est à la maison. L’infirmière peut ensuite mieux cibler ses interventions.
Principales interventions pour optimiser le sommeil
En conclusion
Bien que plusieurs interventions non pharmacologiques puissent favoriser l’endormissement et le maintien du sommeil durant une hospitalisation, les somnifères sont le plus souvent prescrits pour répondre aux difficultés à dormir des patients. Selon les sociétés savantes, ces médicaments ne devraient être envisagés que si les perturbations du sommeil persistent après les interventions non pharmacologiques, par exemple les bouchons d’oreilles, les masques pour les yeux ou encore une diminution des soins administrés durant la nuit. L’infirmière peut contribuer à améliorer la qualité du sommeil des patients sans recourir aux somnifères.
Référence
OIIQ
Arora, V.M., Chang, K.L., Fazal, A.Z., Staisiunas, P.G., Meltzer, D.O., … Van Cauter, E. (2011). «Objective sleep duration and quality in hospitalized older adults: associations with blood pressure and mood».
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Auckley, D. (2021). «Poor sleep in the hospital: Contributing factors and interventions». Uptodate. Besedovsky, L., Lange, T. et Born, J. (2012). «Sleep and immune function». Pflügers Archiv–European Journal of Physiology, 463(1), 121-137. Repéré à https://doi.org/10.1007/s00424-011-1044-0