Instabilité hémodynamique post intubation

Au Canada, 231 000 patients sont admis tous les ans aux soins intensifs, la plupart d’entre eux requièrent des interventions invasives, souvent une intubation endotrachéale pour une ventilation mécanique.

L’installation d’un tube dans la trachée protège les voies respiratoires en assurant leur perméabilité. Cette intervention comporte toutefois des risques élevés de morbidité et de mortalité.

Une instabilité hémodynamique post-intubation (IHPI), c'est une hypotension qui représente une variation importante des paramètres vitaux, peut survenir après une intubation. Il s’agit d’une problématique fréquente qui peut compromettre la vie des patients.

Pour corriger cette instabilité, le recours à des doses bolus de phényléphrine est pratique courante.

Instabilité hémodynamique post-intubation (IHPI)

L'instabilité hémodynamique est reconnu par une diminution de la tension artérielle systolique (TAS) sous 90 mmHg ou une tension artérielle moyenne (TAM) inférieure à 65 mmHg, pour une durée variable suivant l’intubation.

L’âge, la présence de pathologies pulmonaires et d’instabilité hémodynamique préalables à l’intubation sont des prédicteurs significatifs et indépendants de l’IHPI. La médication utilisée lors de l’intubation pourrait aussi être un déterminant important dans l’occurrence d’IHPI.

Il existe deux stratégies pour corriger l’IHPI.

La première est la réanimation liquidienne par l’administration de solutés intraveineux qui permet d’accentuer le degré de distension des fibres myocardiques, le volume d’éjection à la contraction des ventricules ainsi que le débit cardiaque.

La deuxième stratégie est l'administration des vasopresseurs par voie intraveineuse, le plus souvent utilisé c'est la norépinéphrine (LevophedMD).

Ce médicament est un puissant agent vasoactif alpha et bêta adrénergique administré en perfusion continue. Il agit en augmentant le tonus vasculaire, ce qui permet ainsi d’atteindre les cibles tensionnelles établies par l’équipe médicale.

Des doses bolus de phényléphrine, un second agent vasoactif alpha adrénergique, peuvent être administrées afin d’atteindre rapidement les cibles tensionnelles. L’administration de phényléphrine accélère le processus et permet de corriger plus rapidement l’hypotension.

Pharmacologie

La phényléphrine est un sympathomimétique, elle imite l’effet biologique de la stimulation du système nerveux sympathique.

Cette stimulation entraîne la sécrétion naturelle d’épinéphrine et de norépinéphrine, molécules qui activent les récepteurs adrénergiques afin qu’ils exercent leurs effets physiologiques.

La phényléphrine est un sympathomimétique direct et unique en son genre. Elle agit strictement sur les récepteurs alpha-1. Elle permet d’élever rapidement la tension artérielle en augmentant la résistance vasculaire.

En cas d’hypotension, la posologie recommandée est de 50 à 200 µg par dose. Il est préférable d’attendre entre une et cinq minutes avant d’administrer des doses subséquentes. La nécessité d’une dose supplémentaire est déterminée par la réponse hémodynamique du patient.

La dose bolus est administrée, sa durée d’action est d’environ vingt minutes et sa demi-vie terminale est d’une heure et demie.

Surveillance infirmière

L’administration des vasopresseurs intraveineux est une responsabilité de l’infirmière. Elle vérifie la réponse du patient au médicament et s’assure que les cibles thérapeutiques sont atteintes.

Quand les paramètres vitaux du patient n’atteignent pas les seuils désirés, l’infirmière procède à l’ajustement des vasopresseurs, une intervention complexe compte tenu des multiples facteurs physiologiques qui interfèrent sur les cibles tensionnelles.

L’infirmière surveille également les signes d’effets indésirables particulièrement le rythme cardiaque. L’effet secondaire principal de la phényléphrine est la bradycardie, soit une fréquence cardiaque inférieure à 50-60 battements par minute.

Il y a des risques d’extravasation et de lésions tissulaires reliés à l’utilisation de la phényléphrine par voie intraveineuse périphérique. Par conséquence, en plus de surveiller les paramètres vitaux et d’ajuster les doses administrées en fonction de la réponse physiologique, l’infirmière doit aussi vérifier la perméabilité du site intraveineux conformément au protocole de son établissement.

Les responsabilités infirmières

L'infirmière a plusieurs responsabilités liées à l’administration de bolus de phényléphrine, vu que l’intubation endotrachéale comporte des risques d’instabilité hémodynamique qui peuvent entraîner de graves complications.

Selon le code de déontologie des infirmières et infirmiers « l’infirmière ou l’infirmier doit intervenir promptement auprès du client lorsque son état l’exige ».

Afin de pouvoir intervenir rapidement en situation d’instabilité hémodynamique, l’infirmière doit considérer les délais nécessaires à la préparation et à la réponse thérapeutique au vasopresseur, une fois administré. La durée de l’instabilité et son ampleur sont associées à un risque de collapsus cardiovasculaire et d’arrêt cardiorespiratoire.

La préparation de vasopresseurs, soit de doses bolus injectables ou de perfusions, préalablement aux interventions infirmières ou médicales susceptibles de provoquer de l’instabilité hémodynamique, peut être un moyen de réduire la durée de l’instabilité hémodynamique.

Puisque certains contextes d’instabilité hémodynamique sont imprévisibles et que, contrairement aux médecins, les infirmières sont toujours présentes au chevet des patients, il y a lieu d’évaluer la pertinence d’adopter des ordonnances collectives (OC) permettant aux infirmières d’administrer de façon autonome certains traitements, par exemple des bolus de cristalloïdes ou de phényléphrine. Ces ordonnances optimiseraient la pleine occupation du champ d’exercice de l’infirmière aux soins intensifs et permettraient de mieux encadrer les interventions urgentes autonomes accomplies par les infirmières.

En conclusion: L’instabilité hémodynamique post-intubation est un état transitoire pouvant entraîner la mort des patients hospitalisés aux soins intensifs.

Pour corriger cet état des vasopresseurs intraveineux sont utilisés, dont des doses bolus de phényléphrine. L’administration de cette molécule est régie par des ordonnances médicales.

Dans certains contextes, des ordonnances collectives autorisant les infirmières à l’administrer de façon autonome pourraient prévenir de graves complications. Ainsi, l’adoption d’ordonnances collectives permettraient de mieux encadrer la prise en charge de l’instabilité hémodynamique par les infirmières en soins intensifs et d’améliorer la sécurité des patients.

Ressources:

  • OIIQ

  • Canadian Institute for Health Information (CIHI). (2016). «Care in Canadian ICUs».

  • Code de déontologie des infirmières et infirmiers

  • Guidelines for the management of tracheal intubation in critically ill adults». British Journal of Anaesthesia

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